Une récente étude conduite par le Centre Africain pour le Développement Équitable (ACED) sur l’état des lieux de l’écosystème du e-agriculture au Bénin a révélé qu’une cinquantaine de Solutions Numériques dans le secteur Agricole (SNA) ont été développées. Ces solutions, axées principalement sur le management des entreprises agricoles, le transport, le stockage et la
commercialisation, visent à résoudre les défis rencontrés au niveau de ces maillons. Cependant, malgré la diversité des initiatives, un constat alarmant se dessine : la quasi-absence de collaboration entre les 121 organisations impliquées dans cet écosystème. Cette fragmentation entraîne une redondance des efforts et limite l’efficacité des interventions. Ainsi, il devient
impératif d’explorer des stratégies de coopération plus efficaces pour maximiser l’impact positif de l’e-agriculture au Bénin.
Quels sont les facteurs qui contribuent à la duplication des initiatives dans l’écosystème du e-agriculture au Bénin ?
Le manque de confiance entre les acteurs est la principale raison de la redondance des initiatives dans l’écosystème du e-agriculture au Bénin. En effet, l’indice de densité du réseau des intervenants est faible (0,028) et met en lumière une coopération limitée au sein de l’écosystème. La méfiance entre les acteurs peut être attribuée à plusieurs facteurs, notamment la nécessité de protéger les idées et les innovations. Dans un environnement concurrentiel, les développeurs sont souvent réticents à partager leurs idées de peur de les voir exploitées par d’autres acteurs du marché. De plus, les intérêts commerciaux divergents pourraient également créer des tensions,
car chaque acteur cherche à maximiser ses propres profits et à maintenir un avantage concurrentiel. Monsieur X, rencontré au cours des entretiens, avoue ceci :
« En tant que développeur, je crains que partager mes idées avec d’autres collègues ne compromette ma position sur le marché et ne réduise mes chances de réussite ».
Cette méfiance entre les acteurs entrave le partage d’informations entre les acteurs, de surcroit, entraine la duplication des efforts dans l’écosystème.
La non-implication des agriculteurs dès la phase d’idéation est une autre raison majeure de la redondance des solutions dans l’écosystème du e-agriculture au Bénin. En effet, seulement TIC Agrobusiness Center se positionne en tant qu’acteur central et influent, collaborant étroitement
avec des acteurs tels que l’agence belge de développement (Enabel), le MAEP, la GIZ et l’entreprise de e-commerce Jinukun. Le constat est l’absence d’organisation représentative des agriculteurs alors qu’ils sont pour la plupart la cible des solutions développées. Les agriculteurs sont très souvent les plus efficaces pour savoir quels sont leurs besoins spécifiques et quelles solutions sont déjà disponibles sur le marché. Leur non-implication dès le début du processus de développement signifie que les développeurs sont susceptibles de manquer des opportunités de découvrir des solutions préexistantes ou similaires, déjà en évolution et en progrès par d’autres acteurs. Toutefois, il peut être injuste d’attribuer exclusivement la responsabilité aux développeurs des SNA.
Plusieurs textes stratégiques tels que la Stratégie Nationale d’Agriculture Numérique (SNAN), la Stratégie Nationale de Sécurité Numérique, le Schéma Directeur des Systèmes d’Information (SDSI), le Code du numérique en République du Bénin et la Stratégie Nationale de l’intelligence artificielle et des mégadonnées ont été adoptés pour encadrer l’émergence du e-agriculture au Bénin. Toutefois, quelles sont les mesures prises par les principaux acteurs en charge de la stratégie d’e-agriculture, à savoir le Ministère de l’Agriculture, de l’Élevage et de la Pêche (MAEP) et le Ministère du Numérique et de la Digitalisation (MND), pour prévenir la duplication des
initiatives dans l’écosystème du e-agriculture ? L’absence de mesures prises par le MAEP et le MND pour être informés de toutes les solutions numériques agricoles (SNA) déjà développées ou en en croissance constitue également une lacune majeure. En effet, en l’absence d’une plateforme centrale ou d’un système de suivi permettant de répertorier les SNA existantes, il serait délicat
pour ces ministères de coordonner efficacement les initiatives et d’éviter la redondance des efforts. Si une telle plateforme était mise en place, elle pourrait fournir une vue d’ensemble de toutes les SNA disponibles, de leurs fonctionnalités et de leur portée.
Que pouvons-nous alors suggérer pour éviter la duplication des initiatives dans l’écosystème du e-agriculture au Bénin ?
» La mise en place d’espaces de dialogue et de concertation entre les acteurs de l’écosystème du e-agriculture pourrait faciliter l’élaboration de cadres juridiques, tels que des accords de confidentialité pour protéger les idées et des contrats de partenariat pour régir les relations, favorisant ainsi une collaboration efficace et durable.
» Ensuite, les autorités compétentes en charge du e-agriculture au Bénin pourraient faciliter la création d’une plateforme ou d’une base de données centralisée où les développeurs pourraient partager leurs solutions existantes, leurs travaux en cours et leurs besoins spécifiques.